Légèrement Heureux

Nina Flabeau

Peut-on renoncer à des privilèges confortables sans renoncer au bonheur ? Fondatrice du média Green Up, Nina te prouve non seulement que oui, mais aussi que cette occasion de réinventer sa vie et de se remettre en question est en réalité une chance à saisir.

Nina Flabeau

Où habites-tu et à quoi ressemble ton chez-toi ?

J’habite en coloc’ dans le 11e à Paris. Je considère cet appart comme mon pied-à-terre cocooning, car je suis très souvent en “goguette” aux 4 coins de la France. Je passe pas mal de temps dans différents tiers lieux et je prête main-forte dans des fermes en faisant ce qu’on appelle wwoofing (un mode de travail alternatif où tu échanges ta force de travail contre le logement et les repas chez un hôte).

Quel est ton métier et quel impact penses-tu qu’il a sur l’environnement ?

Je me définis comme une communicante « for good ». J’accompagne des entreprises, des associations et des médias dans leur transition écologique et sociale, princiapelement sur l’axe de la communication.

Avant de collaborer avec une organisation, je prends la température quant à son engagement. S’il n’y a encore rien de concret, je l’aide à passer à l’action par exemple par la mise en place d’une stratégie RSE ou la réalisation d’un bilan carbone. Je veille à ce que leur communication soit transparente et honnête au maximum. Aujourd’hui on voit passer du greenwashing à tout va, à nous de montrer l’exemple. Pour mes clients déjà bien engagés, je les aide à toucher leur cible en créant de la valeur ajoutée. 

Comment gères-tu les personnes réfractaires à la transition écologique ?

Hors réseaux sociaux, j’ai l’impression d’être de moins en moins confrontée aux climatosceptiques. La tendance s’est un peu renversée. Aujourd’hui, c’est la honte de sortir des propos anti-GIEC. Par contre les sources de débats et tensions se sont concentrées sur les méthodes d’actions. Beaucoup savent mais restent bloqués à l’étape de “je fais l’autruche” car c’est très dur de renoncer à ses privilèges.

Tu as eu le sentiment d'avoir perdu des privilèges ?

Je suis tombée de ma chaise quand j’ai réalisé que j’avais une liste longue comme le bras de privilèges. En bossant sur le sujet pour mon mémoire j’ai réalisé qu’en plus d’être une source de pollution significative, j’alimentais un système basé sur les inégalités. C’était beaucoup d’un coup.

Roue des privilèges

Pour moi, les premières personnes à devoir agir sont précisément celles qui bénéficient de ces privilèges. Exemple avec la richesse : il est prouvé que notre empreinte carbone est fortement liée à nos revenus. Plus on est riche, plus on pollue. Selon Oxfam, 1 % des plus riches polluent autant que les 66 % les plus pauvres.

Renoncer à prendre l’avion a été l’une des décisions les plus dures à prendre au début de ma transition. Elle était pourtant nécessaire pour rester alignée. Si on dégrossit, chaque année, seulement 10 % de la population mondiale prend l’avion. Donc tout va bien se passer pour moi et mon empreinte carbone s’en portera bien mieux !

Toi qui as réinventé ta manière de voyager, est-ce que l’avion te manque ?

« Il y a tellement de lieux incroyables à explorer, y compris en France, que je n’aurai pas assez d’une vie pour tout découvrir ! »

Pas au quotidien. Je suis rentrée dans un combat avec les agences de voyages et compagnies aériennes qui proposent des vols à 22 € pour partir au soleil en hiver… Je constate à quel point les communicants sont encore déconnectés des enjeux climatiques. Il y a encore tellement de boulot.

Pub transavia

Ma décision liée à l’avion reste difficile dans certaines situations. Là par exemple, j’ai une très bonne amie qui est partie vivre au Brésil et ça me fend le cœur de ne pas aller la voir. Honnêtement, peut-être que je craquerai une ou deux fois dans ma vie pour de longs voyages de minimum 6 mois. En attendant, je me concentre sur les destinations accessibles en train ou à vélo, ainsi que sur les régions françaises que je ne connais pas encore et qui sont totalement dépaysantes. En réalité, il y a tellement de lieux incroyables à explorer, y compris en France, que je n’aurai pas assez d’une vie pour tout découvrir !

Quels avantages trouves-tu dans ton mode de vie écolo ?

Ton média s’appelle Légèrement Heureux, donc je dirais que ça rend heureux⸱se !

Au départ, le déclic écologique a été difficile, je l’ai vécu comme une rupture amoureuse. Colère, tristesse, déprime, espoir, gratitude, je suis passée par toutes ces émotions. Mais une fois ce cap franchi, c’est comme si tout s’éclairait. Je sais désormais comment agir et je me sens beaucoup plus épanouie, j’ai mis du sens dans ma vie.

Ce changement d’habitudes m’a permis de rencontrer sur le chemin tout un tas de personnes incroyables qui partagent les mêmes valeurs que moi et qui sont aujourd’hui des ami⸱es.

Ressens-tu une pression liée à l’image de l'écolo parfaite ?

« Il faut aller au-delà du perfectionnisme personnel et se concentrer sur l’action collective. »

Oui, clairement. Si je fais un faux pas, certain⸱es se font un malin plaisir à me le faire remarquer. 

Comme pour tout, la perfection est impossible à tenir sur le long terme. C’est pourquoi, à travers mon média Green Up, j’essaie de rappeler qu’on ne peut pas tout porter sur ses épaules. Il faut aller au-delà du perfectionnisme personnel et se concentrer sur l’action collective : encourager les entreprises à changer, faire du boycott, demander à l’Etat d’agir. Ça prend aussi de l’énergie, mais ça aura beaucoup plus d’impact que d’essayer d’être parfait sur tous les sujets de manière individuelle.

Comment occupes-tu tes week-ends ?

Je suis souvent en forêt de Fontainebleau, près de Bois-le-Roi, où j’ai grandi. Petite, je détestais la forêt. C’était une sortie qui me saoulait parce que mes parents m’y amenaient tous les week-ends. Maintenant, je la trouve si belle cette forêt, à chaque saison.

Quand je ne suis pas à Fontainebleau, je pars en micro-aventure en France, c’est-à-dire des escapades de deux ou trois jours, généralement en train, pour faire du vélo, du trek ou d’autres activités qui permettent de mettre son corps en action et d’éviter les zones touristiques.

Et tes dernières vacances, c’était où ?

En Slovénie ! Avec mon copain Lucas on est partis arpenter ce magnifique pays à vélo. 

C’est un pays très en vogue en ce moment donc je n’aimerais pas participer au sur-tourisme, mais je vous l’accorde, c’est magnifique. Partir hors-saison, c’est le meilleur plan ! 

Pour info, la Slovénie est accessible en une journée de train : 6 heures pour rejoindre Munich puis 6 heures de Munich pour rallier Ljubljana !

Nina Flabeau Slovénie

As-tu constaté des changements chez tes proches grâce à ton engagement ?

Oui, j’ai remarqué de petits changements et ça me fait très plaisir. Par exemple, ma mère a drastiquement réduit sa consommation de viande. Mon frère essaye de trouver des alternatives à l’avion quand c’est possible et mon père a intégré une stratégie RSE dans son entreprise. Je ne sais pas si tout est “grâce à moi”, mais je pense que mes discussions à table ont peut-être contribué à quelques déclics.

Ma famille est imparfaite, comme moi ! Le plus important, c’est qu’aujourd’hui je me sens dans une “safe place” avec eux⸱elles. Ce n’était pas forcément le cas il y a 5 ans, quand je leur ai balancé que je devenais végé et que les vacances en famille à l’autre bout du monde c’était terminé pour moi.

As-tu un film/livre ou podcast en rapport avec l’écologie à conseiller ?

« Ce qui rend heureux, ce n’est pas l’abondance de biens matériels, mais celle de nature et de relations saines. »

Je recommande le podcast « Nouvel Oeil » de Victoria Guillomon, qui ne traite pas directement des sujets écologiques mais plus de la vie avec un grand V.À 20 ans, elle se posait pleins de questions, et elle a essayé d’y répondre à l’aide de personnalités inspirantes. Les épisodes et récits convergent vers les mêmes conclusions : ce qui rend heureux, ce n’est pas l’abondance de biens matériels, mais celle de nature et de relations saines.

Victoria a aussi écrit deux super livres : « Ce qu’on n’apprend pas à l’école » et « Tu penses quoi de la vie, mamie ? ».

Bilan carbone annuel pour cette vie : 4 tonnes de bonheur. Alors, ça ne donne pas envie ?